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Articles de presse27 novembre 2015

UN CHIEN PEUT-IL ÊTRE MECHANT ?

Entre le chien qui aboie avec ferveur et de façon systématique lorsqu’un individu s’approche du portail de la propriété où il réside, celui qui montre les crocs dès lors qu’en laisse il croise un congénère, celui qui claque des dents lorsqu’on lui somme de bien vouloir descendre du canapé ou encore celui qui pince tous les hommes de la famille ; je croise quotidiennement bon nombre de propriétaires qui expriment et/ou qui pensent que leur chien est méchant. Mais qu’en est-il véritablement ?

Aujourd’hui, lorsqu’on me contacte pour intervenir face à un chien qualifié de « méchant », je devrais probablement éprouver une certaine inquiétude voire une certaine angoisse. Mais ce que les humains qualifient comme étant de la méchanceté canine n’est en réalité qu’un envoi massif de signaux par l’animal qui cherche à communiquer. Très souvent et dans les cas les plus violents, ces avertisseurs informent d’un important mal être du moment. Partant de là, je suis bien au contraire à chaque nouvelle sollicitation, impatient, enjoué et ravi de pouvoir apporter mon analyse professionnelle ainsi que des solutions adaptées à la souffrance des humains mais également de leurs chiens. En effet, après de nombreuses observations, réflexions et recherches, ma position est sans appel : un chien méchant, cela n’existe pas !

LA MECHANCETE : UN CONCEPT EXCLUSIVEMENT HUMAIN

Pour commencer, je souhaite vous rendre extrêmement attentif à une notion que me paraît fondamentale. En effet, il y a une énorme, une considérable différence entre : se rendre coupable d’actes que l’on qualifierait de « méchants » selon notre propre éducation et nos valeurs éthiques ou accuser une personne d’être « méchante ». Le premier met en cause les faits tandis que l’autre juge la personne. Or, se faire une opinion sur quelqu’un revient en quelque sorte à « l’enfermer » dans un jugement souvent injuste dont il ne peut se défaire ou que très difficilement. Qualifier un individu de « méchant » est une appréciation défavorable, un jugement négatif au final non objectif de ce dernier, tant qu’il n’est pas mis en lien avec des éléments factuels et un positionnement personnel. D’ailleurs, tandis que mon voisin accuserait un individu d’être « méchant », quelqu’un d’autre pourrait le trouver extrêmement « gentil ». Ces interprétations très différentes peuvent même à première vue et toutes deux sembler parfaitement sensées puisque cela dépendra toujours de nos représentations personnelles et des points comparés. En revanche, considérer le problème rencontré en rapport uniquement avec les actes permet d’entrevoir/d’envisager des solutions pour que ce dernier ne se reproduise plus et donc de faire disparaitre ce qui posait problème.

La méchanceté au sens de la réelle volonté de nuire peut se révéler dans les pensées et agissements humains. Cependant cette intention n’existe pas chez nos amis les chiens, chez qui on ne trouve pas de comportement sans cause.

REPANDU PAR ET POUR L’HOMME

Aujourd’hui encore, il suffit d’arpenter les ruelles avoisinantes pour trouver solidement attachées à l’avant des portiques, quelques plaques qui informent les passants de la présence d’un soit disant  » chien méchant « .

Pour certaines d’entre elles, on peut imaginer le nombre d’années traversées tant elles sont atteintes par la rouille. Lorsqu’on cherche à se renseigner, il se révèle même dans bien des cas que les habitants ne possèdent pas ou plus de chien. De toute évidence, ces plaques encore présentes sont le plus souvent destinées à dissuader d’éventuels cambrioleurs et invitent l’ensemble des personnes à ne pas trop s’approcher de la propriété. Dans d’autres cas, ces affichages avaient et ont encore un objectif de prévention, le propriétaire souhaitant éviter un accident à autrui mais aussi et surtout par la même occasion se déresponsabiliser d’éventuels problèmes. Il suffit d’écouter par exemple les nombreuses anecdotes impliquant chiens et facteurs pour s’apercevoir d’un réel manque de connaissance de l’espèce avec laquelle nous cohabitons. A cette époque et avec l’intelligence que l’on revendique tant, chacun d’entre nous devrait être conscient et convaincu que les chiens sont des êtres sensibles. A juste titre et fort heureusement, leurs réactions se révèlent différentes lorsqu’ils se trouvent au quotidien face à un membre de la famille ou à un autre moment seul sur leur propriété face à un individu inconnu d’une autre espèce dont ils ne connaissent pas et ne parviennent pas à déchiffrer les intentions. D’ailleurs au final, c’est même ce que quelques-uns d’entre nous ont attendu de leurs compagnons. Alors comment le leur reprocher ?

Ainsi de générations en générations, c’est l’homme lui-même qui pour défendre ses seuls intérêts et protéger ses biens personnels de quelques humains malveillants a associé et répandu cette notion de méchanceté rapportée à l’espèce canine ; influençant de jour en jour, de semaine en semaine, de mois en mois et d’année en année les descendances suivantes.

LA REPONSE EST DEFINITIVEMENT NON !

Je constate donc avec dépit et indignation que par méconnaissance de l’espèce canine et de ses signaux de communication, de l’ignorance humaine et de la mauvaise information sur le sujet découle le fait que certains humains qualifient encore d’êtres « méchants » des animaux qui n’ont fait que servir nos intérêts, défendre nos biens, ou simplement nous apporter de la compagnie. En réalité, c’est même notre espèce humaine qui de la sorte se révèle nuisible aux êtres sensibles que représentent les chiens.

De la même façon et en raison du tort que nous avons déjà pu causer à cette espèce pourtant dévouer à nous faire plaisir, il est de notre responsabilité de changer les mentalités et de rectifier/corriger l’erreur que nous avons faite depuis des décennies. Un chien ne peut pas être méchant, ni même faire preuve d’une quelconque méchanceté. Certes il peut se révéler agressif mais au même titre que chacun d’entre nous peut le devenir, par exemple lorsqu’il se sent lui-même agressé.

NE PAS CONFONDRE AVEC L’AGRESSIVITE

Chaque individu à tout moment émet et reçoit consciemment ou non des signaux en direction des autres (communication verbale, paraverbale et non verbale). En vertu de leurs aspects spectaculaire et potentiellement dangereux, les conduites agressives marquent voire choquent souvent nos esprits. Une fois encore, évitons de trop rapidement entrer dans un jugement au caractère durable. L’agressivité n’est surtout pas une fatalité comme beaucoup peuvent être amenés à le croire mais bien une tendance à s’opposer à autrui ou à l’attaquer en rapport étroit avec la satisfaction de ses besoins vitaux, de ses motivations, la maîtrise du milieu, ses émotions et/ou l’affirmation de soi. On distingue chez les chiens plusieurs types et causes d’agressions. Les agressions d’ajustement social, pour défendre une ressource, en raison de douleur, ou par peur sont celles que je rencontre plus particulièrement au cours de mes consultations. Des agressions redirigées, moins nombreuses sont également possibles. Faire preuve d’agressivité, être disposé à en découdre, être prêt à combattre ; toutes ces affirmations doivent obligatoirement se décliner en actes constatés pour prendre du sens. Au sein de l’espèce canine, ces séquences sont passagères et marquées par différentes étapes et expressions.

Ainsi on peut rapidement et très facilement identifier trois étapes principales qui caractérisent les conduites agressives. La première est une phase de menace, la seconde est représentée par le passage à l’acte/la morsure tandis que la troisième se caractérise par un retour à un état d’apaisement.

QUELQUES EXPRESSIONS CORPORELLES ET SIGNAUX DE MENACE :

Il est véritablement indispensable de bien identifier une grande partie de ces signaux et tout aussi important de sensibiliser les enfants à ceux-ci. Une bonne interprétation du message envoyé par le chien est la seule façon de pouvoir limiter les risques et convenablement considérer l’animal. Ainsi respecter la menace peut éviter dans la majorité des cas ce que l’homme appelle souvent « le pire », la morsure.

Une attitude plutôt offensive :

⇒ Poils hérissés, ⇒ Debout sur ses quatre pattes raidies, ⇒ Queue relevée, ⇒ Oreilles droites orientées vers l’avant, ⇒ Babines retroussées, ⇒ Dents visibles, ⇒ Pupilles dilatées (mydriase), ⇒ Le chien occupe un maximum d’espace.

Une attitude plutôt défensive :

√ Poils hérissés, √ Echine abaissée, √ Queue basse voire rabattue, √ Oreilles en arrière, √ Babines retroussées, √ Pupilles dilatées (mydriase), √ Le chien cherche à se replier,

Dans la plupart des cas, ces attitudes sont accompagnées de grognements et/ou d’aboiements plus ou moins sonores. L’animal fronce son museau, son regard est fixe. D’une façon générale plus le regard est soutenu, plus la pupille est dilatée, plus les dents sont découvertes et plus le risque de passage à la deuxième étape est imminent.

Il a été démontré que le chien en tant qu’être sensible capable de ressentir des émotions possède la capacité d’effectuer des associations, que celles-ci soient positives ou négatives. De cette manière, parfois à la suite d’un fort traumatisme, les signaux menaçants peuvent complètement ou en partie disparaître pour donner lieu à des morsures dites « instrumentalisées » extrêmement dangereuses.

Dans ce type d’agressions, le chien passe directement à l’acte sans passer par la phase de menace. Il n’est donc pas possible de respecter l’avertissement de l’animal puisque ce dernier ne prévient plus. Dans le cadre du dressage « au mordant », l’homme lui-même dispense au chien un apprentissage volontaire dans ce sens. Difficile donc de s’étonner ensuite et encore plus de reprocher à l’animal son comportement.

COMMENT REAGIR FACE A UNE ATTITUDE IDENTIFIEE COMME ETANT MENAçANTE ?

Contrairement à certaines idées reçues, il ne faut surtout pas dans ce genre de situation chercher à dominer l’animal. Cette attitude est sans contestation la moins efficace et la plus aggravante qui soit. L’homme avec ses menaces deviendrait alors une source supplémentaire d’inquiétude/de stress pour l’animal qui anticiperait de probables douleurs à venir dans un contexte au sein duquel il ne se sent déjà pas en sécurité. Au regard de ces explications, il n’est vraiment pas surprenant d’entendre ou de constater que le chien soit passé à l’acte. Malgré tout certains humains se refusent encore de considérer nos compagnons comme des êtres doués de sensibilités et les cas de morsures sont encore trop fréquents.

Pourtant, il est parfaitement possible d’agir pour éviter la plupart des agressions. Voici quelques conseils que je préconise face à un chien dont l’attitude vous paraît menaçante.

•  Créer de la distance progressivement, calmement et sans geste brusque entre l’animal et la personne vers qui est dirigée la conduite agressive est une attitude à adopter immédiatement avant d’atteindre un seuil critique.

• Permettre à l’animal de se calmer en lui donnant la possibilité de rejoindre un lieu rassurant pour lui, en lui offrant une alternative pour évacuer les tensions avec un jouet, un os, une peluche qu’il affectionne plus particulièrement.

• Je vous propose ensuite de petit à petit détourner le regard puis d’aller jusqu’à ignorer l’animal qui peu à peu pourra retrouver par homéostasie une forme de sérénité.

Les émotions décuplées au cours de ces différentes phases représentent autant d’énergie dépensée et se révèlent extrêmement épuisants pour l’homme et pour l’animal. Ainsi, il n’est pas rare d’observer que le chien se repose un long moment à la suite de ces évènements.

• Enfin il faut se questionner, aller à la recherche d’indices et/ou faire appel à un comportementaliste canin afin de comprendre ce qui a provoqué le comportement agressif. Cette démarche nécessaire permettra de déterminer les causes et d’agir sur celles-ci avec une réponse adaptée et de ce fait plus efficace. L’idée principale étant d’apaiser l’animal grâce à l’aménagement de ses conditions de vie mais aussi de celles visant à sa sécurité mentale pour que le risque identifié de morsure s’amenuise voire disparaisse définitivement. C’est uniquement de cette manière, dans le respect des uns et des autres qu’il est possible de rétablir un équilibre, une harmonie véritable dans la relation qui nous unit à nos amis les chiens.

Auteur : Clément MOEGLIN

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